Renaître à soi par la danse

Peut-on (re)devenir soi-même en dansant ?

 

Je vous propose cet article présentant un regard d’anthropologue sur les vertus de la danse, écrit par Laure Assaf, et Emmanuel de Vienne.

Vous y trouverez également une vidéo sur l’entretien avec Michael Houseman conduit par Emmanuel de Vienne, rédacteur en chef de la revue. Il y évoque les résultats de leurs recherches avec M. Mazzella di Bosco et E. Thibault, auteurs d’un article intitulé « Renaître à soi-même. Pratiques de danses rituelles en Occident contemporain ».

« Guider l’attention des participants sur une partie du corps, ou sur une émotion, une qualité intérieure oubliée qui serait à révéler, un mode de perception jugé plus immédiat. Les enseignants convoquent ainsi une forme particulière de sensorialité : plutôt que de suivre des mouvements précis, il faut se ressentir ; plutôt que d’imiter les gestes des autres, il faut s’en inspirer. »

Le mouvement dansé en Gestalt-thérapie


Dès le milieu du XIXème, des théoriciens vont ouvrir les voies d’une approche du mouvement et du corps, totalement nouvelle dans le domaine artistique et notamment dans le domaine de la danse. Pour faire face à des difficultés vocales, le chanteur François DELSARTE (1811-1871) étudie les relations entre le geste et l’émotion. Le musicien Emile JACQUES-DALCROZE (1865-1950) découvre que d’intégrer le rythme par le corps permet plus facilement l’apprentissage de la musique.

Rudolf LABAN (1879-1958), danseur et chorégraphe, élève de JACQUES-DALCROZE pose les bases d’une véritable théorie du mouvement dansé à l’origine de la révolution du monde de la danse et la naissance de la danse-thérapie.

Après quatre siècles de ballet classique, cette théorie permet l’éclosion de nouvelles formes de danse qui mettent l’accent sur l’expressivité. Rudolf LABAN s’intéresse à la fois à la danse et aux gestes des ouvriers des usines, et intègre dans ses chorégraphies le geste au quotidien qui marque la spécificité de la danse moderne. En disant que « les formes sont indissolublement liées au mouvement », que « chaque mouvement a sa forme », et que « les formes sont créées à la fois par et dans le mouvement », il confirme la rupture fondamentale avec le langage de la danse classique.

Pour Rudolph LABAN, le corps est avant tout un volume et un poids. Ses recherches sont basées sur l’observation du déplacement du poids et du rythme induit. Pour lui, le mouvement du corps se caractérise par quatre éléments qui sont « les clefs permettant de comprendre ce qu’on pourrait appeler l’alphabet du langage du mouvement » : le poids, le flux, l’espace et le temps. De plus, il définit la notion d’effort’ qui désigne ‘les impulsions intérieures dans lesquelles le mouvement prend son origine’. Les impulsions, les dynamiques et les trajets caractérisent donc le mouvement singulier propre à chaque danseur.

« On peut, dit-il, observer de manière consciente le fonctionnement du choix des mouvements appropriés aux situations. Ce qui signifie que l’on peut devenir conscient de son choix et rechercher pourquoi ce choix a été fait (…) Laban considère d’ailleurs cette recherche comme l’élaboration d’une pensée motrice. Selon lui, si le mouvement utilitaire est motivé par une intention – l’esprit dirige le mouvement -, dans la danse, c’est le contraire, le mouvement stimule l’activité de l’esprit.» (LESAGE, 2014).

Il s’agit là d’une remise en cause radicale des codes classiques de la danse, l’attention est portée principalement au corps dans sa perception. La conscience du corps est centrale.

Ce n’est plus le mouvement achevé et produit qui est recherché mais la façon dont le danseur utilise l’espace, le temps et la force, paramètres qui définissent la “qualité” du mouvement. Le processus, le chemin emprunté est plus important que le résultat. On ne cherche plus à appliquer des codes avec grâce ou force, comme en danse classique, mais en quelque sorte on “est le mouvement” : le mouvement comme engagement total.

La révolution de la danse moderne « n’a pas été d’instaurer un nouvel art chorégraphique, mais un corps comme lieu d’expérience et lieu de savoir… ».

Cette spécificité de la danse moderne est très en lien avec la vision Gestaltiste, créée quelques années après dans la période New Age New- Yorkaise. Cette période est caractérisée par le mouvement de la contre-culture qui cherche à libérer l’homme de ses contraintes sociétales et à briser les normes codifiées. Nous pouvons facilement faire l’analogie avec les notions de la Gestalt citées plus haut : perception des sensations dans le corps, le corps comme lieu d’expérience, processus de formation des formes, la forme du mouvement, etc…

Observer la qualité du mouvement de son client dans une séance de Gestalt-thérapie peut fournir des informations très précieuses pour le thérapeute.

Il s’agit d’observer comment la personne effectue ses mouvements : les dimensions adoptées par le corps dans l’espace, horizontales, verticales ou sagittales, les variations et tensions musculaires, liées ou libres, régulières ou aléatoires, graduelles ou abruptes, de haute ou basse intensité. Autant d’informations qui sont propres à la personne et à son vécu. Les tendances de mouvement préférées sont à l’œuvre dès la naissance, et s’enrichissent par le contact avec l’environnement, principalement les parents, la première année et au fur et à mesure du développement de l’enfant. Puis elles se maintiennent à l’âge adulte.

Elles définissent la façon dont la personne s’est organisée physiquement et viscéralement pour vivre ses expériences, soit de façon bienvenue, soit de façon anxiogène.

Lors d’une séance de thérapie, les tendances de mouvement du client sont à l’œuvre et fournissent au thérapeute des informations supplémentaires non verbales sur la relation qui se tisse entre eux et sur la façon dont le client organise son expérience.